Vous aviez racheté des trimestres en vue de partir en retraite à taux plein à…

Suspension de la réforme des retraites : qui est concerné et quels effets concrets sur les départs ?
Le Premier ministre, Sébastien Lecornu, a annoncé le 14 octobre 2025 la suspension temporaire de la réforme des retraites. Une mesure politique forte, présentée comme un geste d’apaisement dans un contexte de tensions parlementaires, mais qui soulève de nombreuses questions.
Qui est vraiment concerné par cette suspension ? Quelles conséquences concrètes pour les générations proches de la retraite ?
Que signifie concrètement la suspension de la réforme ?
Une pause politique, pas une abrogation
La suspension décidée par le gouvernement ne remet pas en cause la réforme Borne de 2023 dans son ensemble. Il s’agit d’un gel temporaire du relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans et du rythme d’allongement de la durée de cotisation, jusqu’à l’élection présidentielle de 2027.
Concrètement, cela signifie que l’âge légal reste bloqué à 62 ans et 9 mois, et que la durée d’assurance requise pour le taux plein demeure fixée à 170 trimestres.
Les mesures déjà entrées en vigueur ne sont donc pas annulées : la suspension n’efface pas les étapes déjà franchies depuis 2023, mais stoppe le processus d’augmentation prévu jusqu’en 2032.
Une décision encore incertaine sur le plan législatif
Pour être pleinement effective, cette suspension doit être inscrite dans la loi, probablement via un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
Le gouvernement pourrait aussi choisir de passer par un texte distinct, mais cette option ouvrirait un nouveau front parlementaire. Dans tous les cas, rien n’est définitivement acté tant que le vote n’a pas eu lieu.
La réforme de 2023 : rappel et enjeux initiaux
Les grandes lignes de la réforme Borne
Adoptée en avril 2023, la réforme visait à assurer la pérennité financière du système de retraite par répartition, dans un contexte de vieillissement démographique et de déficit prévisible.
Ses deux piliers principaux étaient :
- Le relèvement progressif de l’âge légal de 62 à 64 ans, à raison de 3 mois supplémentaires par génération, jusqu’en 2032 ;
- L’accélération de la durée de cotisation à 43 ans (172 trimestres) à partir de la génération 1965.
D’autres mesures accompagnaient cette réforme : la disparition progressive de certains régimes spéciaux (RATP, IEG, Banque de France, etc.) et des aménagements pour les carrières longues ou les métiers pénibles.
Une application progressive déjà engagée
En 2025, avant la suspension annoncée, le relèvement de l’âge légal était déjà enclenché :
- âge de départ : 62 ans et 9 mois pour la génération 1963 ;
- durée requise : 170 trimestres pour le taux plein.
Les générations nées entre 1961 et 1963 étaient directement concernées par cette phase transitoire.
Réforme 2023 : âge légal de départ à la retraite et nombre de trimestres requis, selon l’année de naissance :
Année de naissance | Âge légal de départ | Trimestres requis pour le taux plein |
1958 | 62 ans | 167 trimestres |
1960 | 62 ans | 167 trimestres |
1er janvier – 1 août 1961 | 62 ans | 168 trimestres |
1er sept. – 31 déc. 1961 | 62 ans et 3 mois | 169 trimestres |
1962 | 62 ans et 6 mois | 169 trimestres |
1963 | 62 ans et 9 mois | 170 trimestres |
1964 | 63 ans | 171 trimestres |
1965 | 63 ans et 3 mois | 172 trimestres |
1966 | 63 ans et 6 mois | 172 trimestres |
1967 | 63 ans et 9 mois | 172 trimestres |
À partir de 1968 | 64 ans | 172 trimestres |
Qui est concerné et quels effets concrets ?
C’est la question essentielle : quels assurés bénéficieront réellement de la mise en pause de la réforme ?
Les générations directement touchées
La suspension concerne principalement les personnes nées entre 1964 et 1968, soit environ 3,5 millions d’actifs.
Ce sont elles qui devaient progressivement subir la montée de l’âge légal à 64 ans.
Grâce à la suspension, leur départ est temporairement gelé au niveau atteint en 2025, c’est-à-dire 62 ans et 9 mois, avec 170 trimestres nécessaires pour le taux plein.
Un avantage concret pour les premières générations concernées
Les personnes nées en 1964 sont les premières à bénéficier de cette mesure.
Initialement, leur départ était prévu en janvier 2027 (à 63 ans), selon le calendrier progressif de la réforme.
Avec la suspension, elles pourront partir dès octobre 2026, soit trois mois plus tôt, à l’âge de 62 ans et 9 mois.
Ce décalage peut sembler modeste, mais il représente un trimestre de salaire en moins et un trimestre de pension en plus, ce qui n’est pas négligeable pour ceux dont la date de départ approche.
Coût budgétaire et enjeux pour les finances publiques
Un coût immédiat mais limité
Selon les estimations avancées par le Premier ministre, la mise en pause coûterait 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard d’euros en 2027.
Cette hausse résulte d’un trimestre de pensions versé en plus pour certaines générations, et d’un trimestre de cotisations perçu en moins pour l’État.
Un pari politique autant qu’économique
En suspendant la réforme, le gouvernement a évité un risque de crise budgétaire et de renversement politique.
Sans ce geste, les motions de censure auraient pu bloquer l’adoption du budget 2026, compromettant la stabilité financière du pays.
Un équilibre toujours fragile à long terme
Si la suspension devait être prolongée au-delà de 2027, le coût cumulé pourrait devenir bien plus lourd…
En résumé : La suspension de la réforme des retraites offre un répit bienvenu aux générations proches du départ, sans modifier en profondeur les règles du jeu. Elle ne constitue ni un retour en arrière, ni une refonte du système, mais une parenthèse politique destinée à gagner du temps.
Pour les assurés nés à partir de 1964, cette mesure peut représenter quelques mois de départ anticipé et une meilleure visibilité à court terme. Mais au-delà de 2027, tout reste à redéfinir : reprise du calendrier initial, révision des paramètres ou nouvelle réforme selon les orientations du futur exécutif.
Dans l’attente, la prudence s’impose :
Les assurés proches de la retraite ont intérêt à vérifier leur relevé de carrière, à simuler leur âge de départ selon différents scénarios et à anticiper les ajustements éventuels après la présidentielle.