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« Avec son projet pour les retraites, Emmanuel Macron déclenche un big bang qui durera dix ans »

« Avec son projet pour les retraites, Emmanuel Macron déclenche un big bang qui durera dix ans »
Avec la retraite par points, c’est une refondation « systémique » touchant plus de 25 millions d’actifs qu’envisage le président. De quoi fédérer inquiétudes et rejets, analyse dans sa chronique Jean-Michel Bezat, journaliste au « Monde ».

C’est jour d’inauguration de la nouvelle ligne TGV Le Mans-Rennes, ce samedi 1er juillet, et un voyageur de marque s’est installé dans la voiture n° 1 de la rame : Emmanuel Macron. Le président de la République n’a pas envie de discuter avec les journalistes, comme François Hollande aimait le faire. Il a demandé au patron de la SNCF, Guillaume Pepy, de lui organiser une rencontre avec dix agents de la maison. Un conducteur, un chargé de mission horaire, un dépanneur… Et pendant trois quarts d’heure, il va leur tenir « un discours de vérité », décrivant sans fard la révolution qu’il attend du géant du rail, y compris la mort programmée de son régime de retraite. Un dossier si explosif, depuis la longue grève de l’automne 1995 contre le « plan Juppé », que ses successeurs l’ont désamorcé et remisé loin du débat public.

Le propos présidentiel est ponctué de « pour être franc », « si vous voulez le fond de ma pensée », « parlons-nous franchement » … Et ce n’est pas de ces confidences off à ne surtout pas divulguer. Cet échange, Macron en a même accepté la publication dans Les Infos Le Mag, la revue interne de la SNCF. Il veut donner le « top départ » de la retraite par points mi-2018, avec une loi-cadre. Dès lors, prévient-il, « tout le monde rentre dans le système », sauf les gens à cinq ans de la retraite. « Les autres ont des droits acquis dans un régime et à partir de ce jour-là, basculent vers un régime unique où un euro cotisé donne lieu aux mêmes droits, détaille-t-il. Ce qui a été acquis dans les régimes passés reste acquis et vous cotisez à un nouveau régime. »

Place au « compte notionnel »

A peine ces propos repris dans Le Monde (daté 7 septembre), un petit frisson d’inquiétude parcourt le gouvernement. Son porte-parole, Christophe Castaner, démine : « Des pistes de réflexion. Rien n’est sur la table, arrêté, décidé. » Mais qui oserait douter de la détermination présidentielle sur un tel engagement de campagne ? Ce n’est pas la énième réforme « paramétrique » modifiant l’âge légal de départ, les années de référence prises en compte pour le calcul ou la durée de cotisation, comme en 1993, 2003, 2008 et 2010 ; il a promis de ne pas y toucher. Non, il est question d’une refondation « systémique » très éloignée de l’esprit des ordonnances de 1945 qui ont jeté les bases de la Sécurité sociale.

Dans le sabir des experts ès retraites, cela s’appelle le « compte notionnel ». Macron l’explicite dans son programme : « Les cotisations seront inscrites sur un compte individuel et revalorisées chaque année selon la croissance des salaires. Le total des droits accumulés sera converti au moment de la retraite en une pension, à l’aide d’un coefficient de conversion fonction de l’âge de départ et de l’année de naissance. » S’il ne renonce pas au principe de la répartition où les cotisations des salariés financent les pensions des retraités, il déclenche un big bang qui durera dix ans. Le temps que ce régime présenté comme « plus juste, plus fiable et plus transparent » soit généralisé.

De la pure « philosophie macronienne »

La fusion des trente-cinq régimes de base (et des vingt-neuf complémentaires) s’inscrit dans un aggiornamento réfléchi et cohérent : les pensions, comme les allocations-chômage ou les prestations maladie, ne seront plus attachées au statut professionnel, mouvant et précaire dans une société s’orientant vers le post-salariat, mais à un individu. Un individu qui, pour peu que l’Etat lui en donne les moyens, doit être capable d’exercer pleinement sa liberté, notamment celle de choisir l’âge et les modalités de sa cessation d’activité. De la pure « philosophie macronienne ».

Comme sur d’autres réformes, Macron déboussole et brouille les pistes idéologiques. De gauche ? De droite ? « Et de gauche et de droite », suivant sa formule ? Pour le coup, il n’a rien inventé. Envisagé dès 1991 en Suède par une majorité de centre-droit, le système a été adopté par un gouvernement social-démocrate en 1994, puis appliqué à partir de 1998. En France, il a été repensé en 2008 par les économistes de gauche Thomas Piketty et Antoine Bozio, intégré au corpus de la CFDT… Mais il est aussi défendu par des experts de droite, des élus Républicains ou l’Institut Montaigne, d’obédience libérale.

« D’UN POINT DE VUE TECHNIQUE, IL MONTE DÉJÀ À L’ASSAUT D’UN SOMMET DE L’HIMALAYA. ALORS POLITIQUEMENT !… »

Pas moins de vingt-cinq millions d’actifs seront concernés : ouvriers, techniciens et cadres, cheminots, enseignants, avocats, policiers, médecins, boulangers… De quoi fédérer les inquiétudes et les rejets. D’autant que les Français découvriront la réforme avant même d’avoir digéré les précédentes sur le code du travail, la formation, l’assurance-chômage, le logement. S’il parvient à lever l’hypothèque politico-syndicale, le chef de l’Etat devra éviter que ce chantier s’enlise dans la complexité. « D’un point de vue technique, il monte déjà à l’assaut d’un sommet de l’Himalaya. Alors politiquement !… », juge un des responsables du système français des retraites. Il a habilement confié la cordée à un « haut commissaire » d’expérience, le gaulliste social et macronien de la première heure Jean-Paul Delevoye, chargé d’épauler la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, peu experte en la matière.

Le nouveau président a juste « oublié » un point crucial : l’équilibre financier d’un système pesant 300 milliards d’euros (14 % du PIB). « Après plus de vingt ans de réformes successives, le problème des retraites n’est plus un problème financier », avait-il assuré durant sa campagne. Comme si Edouard Balladur et François Fillon avaient déjà fait tout le « sale boulot ». Petite erreur de diagnostic ! Un mois après son installation à l’Elysée, le Conseil d’orientation des retraites publiait un scénario moins rose que ses projections de juin 2016. Le retour à l’équilibre n’interviendra pas avant les années 2040 et il manquera encore 9 milliards en 2021. Ce déficit ne compromet pas son big bang ; il l’obligera à tout le moins à faire des ajustements forcément impopulaires.

(Source Le Monde 11.09.2017 – Jean-Michel Bezat)

 

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